VITRAC SAINT VINCENT: VITRACOIS ET VITRACOISES

 

 

Il était une fois : La boulangerie...

 

 

Entretien avec : Gérard Pierrillas (réalisé le 3 juillet 2009)

 

Gérard, tu as travaillé à la boulangerie de Vitrac.

 

Oui, effectivement.  Je suis arrivé à Vitrac en 1949. J’ai été embauché comme apprenti boulanger par René Bellet. Ayant passé mon CAP, je suis resté ouvrier boulanger avec René puis avec son fils Jean jusqu’en 1982 année lors de laquelle ce dernier a cessé son activité et vendu le fonds. 

Yvonne femme de René et Irène femme de Jean ont également aidé leur mari à la vente du pain. Irène se chargeait des tournées et des livraisons dans les villages.

 

Jean Bellet, boulanger mais aussi paysan au travail dans les champs.

 

Quels souvenirs conserves-tu de cette époque?  

 

Au départ apprenti, c’était très dur. Il fallait se lever à deux trois heures du matin. Il y avait un pétrin mécanique bien sûr mais après il fallait tout faire à la main et mettre le four à chauffer avec des fagots de bois que l’on plaçait à l’intérieur du four. Tout cela prenait beaucoup de temps d’autant plus qu’on faisait des gros pains, de grosses couronnes de 4 kg et de 2 kg.

 

Dans une journée on travaillait en moyenne deux sacs de farine de 100kg.

 

Au début les cultivateurs  échangeaient leur blé contre du pain. Je me souviens avoir vu la patronne rentrer le soir de tournée sans un sou. Ce n’était pas vraiment rentable.

 

Ça c’est intéressant !

 

Oui, c’était surtout intéressant pour eux. Heureusement, petit à petit ça s’est quand même amélioré. Les pains ont diminué en poids. On a commencé à faire des miches et des petites couronnes. L’échange s’est espacé et a fini par disparaître non sans difficulté car les cultivateurs auraient aimé conserver cette habitude.

 

Faisiez-vous une pause dans la semaine?

 

Le dimanche était normalement le jour de repos… On ne faisait pas de pain. Mais il fallait aller chercher les fagots pour le four avec le cheval et la charrette. Ce n’était pas du gâteau  parce qu’il en fallait pas mal de fagots pour la semaine!

C’était dur d’autant qu’à ce moment là, il n’y avait pas de samedi soir. C’était le dimanche soir les bals, les fêtes…Quand je rentrais à 2, 3 heures du matin, le père Bellet qui m’attendait, se levait et il m’appelait. "Tu ne peux pas le laisser dormir ! "disait Irène. C’est vrai qu’il n’avait pas besoin de moi pendant 1 heure, 1 heure1/2 mais il n’y avait rien à faire, il m’appelait.

 

 

Le four à bois (photos 2009)

 

 

Gérard reproduisant les gestes d'autrefois.

 

 

 

L'intérieur du four

 

Tu étais seul avec monsieur Bellet au fournil ? 

 

Quand je suis parti au service militaire en 1955, j’ai été remplacé par un autre jeune apprenti, Béjard,  qui a d’ailleurs été boulanger à Montemboeuf par la suite. Il y a eu aussi quelques jeunes qui sont venus apprendre le métier mais souvent ils trouvaient ça trop dur.

A trois cela permettait de se relayer  On sortait les grosses branches de fagots pour faire chauffer le four plus rapidement ce qui permettait à l’un d’aller dormir plus vite pour pouvoir rembaucher le lendemain. Mais c’était pénible. A ce moment là, on pouvait faire jusqu’à 11 fournées par jour. La cuisson durait ¾ d’heure. Quand le pain avait pris les  couleurs, on ouvrait et le pain séchait. C’est ce qui fait qu’il pouvait se conserver plus longtemps.

 

Le travail a t-il évolué au fil des ans ?

 

Après l’installation du nouveau four à mazout, ça allait plus vite et ça nous ôtait tout le travail de recherche et de manutention de fagots. Mais on avait quand même conservé l’habitude de faire la première fournée avec des fagots. Lorsqu’on a commencé à fournir du pain au lycée de Chasseneuil, nous nous sommes équipés d’un four à vapeur. L’avantage était que nous pouvions enfourner à n’importe quel moment.

 

Le four à mazout en 2000 lors de la fête des 100 ans de la boulangerie.

 

Et la vente, comment se déroulait-elle ?

 

 La vente était régulière. Nous avions nos clients habituels qui venaient chercher leur pain directement au fournil puis par la suite  au magasin.

Les tournées se faisaient dans les hameaux avec un char à bancs puis vers 1952 avec un véhicule automobile spécialement aménagé à La Rochefoucauld. Le gros pain, ça tenait de la place. A cette époque, il y avait du monde dans les villages. Quand on commençait à faire les tournées à Margnac, il  fallait emporter 25 gros pains de 4 kg. Il y a des endroits où on ne passait qu’une fois par semaine au début puis deux fois par la suite.

 

 

Notre petit fils Sasha tenant une grosse couronne (photo 2009).

 

Nous faisions aussi un peu de viennoiserie, croissants, chocolatines (pains au chocolat). Au magasin, il se vendait aussi des pâtes, de la semoule, des biscuits.

Au moment de la galette des rois, nous allions les chercher chez M. Rivet, gendre de Mme Mouchet qui habitait sur la place. Il était boulanger  à Angoulême à l’Epi d’Or. C’était une sacrée boulangerie, il y avait huit fours en fonctionnement. M. Rivet nous a donné de bons conseils et nous a bien aidés pour améliorer la fabrication de notre pain.

 

Pour les rameaux, on faisait des carqualins. C’était un petit biscuit sec en forme de couronne. C'était très bon accompagné d'un petit verre de vin blanc! C’était une recette de René Bellet. La dernière fois, on en a fabriqué quinze cents. Je me souviens très bien de notre premier client, le grand-père Forestier. Il prenait une branche de fagot et enfilait les carqualins les uns sur les autres et rentrait ainsi équipé chez lui.

C’était tout un travail. Il fallait les mettre dans l’eau pendant un moment puis à sécher sur des draps. On commençait le mercredi et on faisait la cuisson le dimanche. Là on voyait du monde le dimanche matin ; ça y allait le vin blanc!

 

A propos de...

 

Les cartelins, carquelins, carcalins […] comme les craquelins craquent sous la dent. Ces échaudés ont oublié l’eau bouillante où on les a jetés pour ne retenir que le bruit sec qu’ils produisent au dessert ou lors des festivités. […]

Ronds et dentelés, de la taille d’une assiette (de l’assiette utilisée comme patron à découper.) […]

On les accrochait aux branches à bénir lors du dimanche des rameaux. Ce qui laisse à penser qu’il avaient un trou. Ce qui justifie également la forme qu’ils affectent parfois, triangulaire ou de losange. […]

Si j’osais, j’écrirais qu’avec eux le vin est nouveau tous les jours. Que ces gâteaux secs sont une invitation à boire. […]

 

Extrait de L’actualité du Poitou Charentes n°57 – 2002 – Article : Les Cartelins par Denis Montebello

 

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Les craquelins de Châlus

 

Les craquelins (carcalins) étaient la spécialité de plusieurs petites villes du limousin. Mais en Haute Vienne ceux de Châlus étaient particulièrement connus. Qui ne se souvient de ces gâteaux d’autrefois ? Ronds comme de petites lunes et colorés de rouge avec du cumin ? Les marchands, qui les vendaient aux foires plutôt qu’en boutique, les disposaient sur leur éventaire, à même la toile recouvrant les planches.

C’étaient des étalages attrayants que, nous autres, enfants, nous regardions toujours avec envie.

« si t’eicoutas bien to mai, te pourtarai un carcalin ! (Si tu obéis bien à ta mère, je te rapporterai un craquelin), disait le père en partant pour la foire. Et l’on attendait le soir avec impatience.

Pour les porter vendre, leurs fabricants les enfilaient sur un long bâton.

 

Extrait de : La société rurale traditionnelle en Limousin par Albert Goursaud et Maurice Robert – 1976 -

 

Voir la recette des carqualins (reportage réalisé le 20 mars 2013

 

 

 

Qu'est devenue la boulangerie? 

 

Par la suite, il y eu trois autres boulangers mais le dernier, une nuit de Noël,  à oublié d'arrêter son four qui a explosé.

 

 Le Vitrac de l’époque n’était pas le même que celui d’aujourd’hui ?

 

Oh là…fous moi la paix !!!! (Expression charentaise signifiant : Parlons d'autre chose!!!)

 

Merci Gérard.

 

Alain Bohère, juillet 2009

 

 

Début du siècle dernier : Louis Bellet arrête la livraison de pains (avec le char à bancs sur lequel on aperçoit les couronnes) sur le pont le temps d'une photo.

 

LA TOURNÉE DU BOULANGER.

Témoignage d'Adèle Raynaud (Barussaud) et de son frère Abel Raynaud (2011)

Nous avons connu M. Bellet qui faisait sa tournée avec son cheval. Nous l'entendions arriver de loin car le cheval était équipé d'un collier à grelots.

 

 

 A voir également en cliquant ici - 27 août 2000 : La fête des 100 ans de la boulangerie -

 

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